C'est entre les montagnes encore enneigées et dans le vent froid du sud de la Patagonie, que je vais écrire mon récit sur le nord ouest andin. Plus précisément sur les provinces de Salta et Jujuy.


Salta


C'est à Salta, ville éponyme de la province dont elle est la capitale, que l'avion en provenance d'Iguazú s'est posé. Salta est une grande ville, 530000 habitants, qui a la particularité d'être au pied de la Cordillère des Andes orientale. Etant donné la construction des rues en manzanas comme à Buenos Aires (pas besoin de t'expliquer manzanas vu que tu as lu mon article sur Buenos Aires hein!), on a régulièrement des points de vue dégagés laissant voir la fameuse Cordillère de couleur orange. L'architecture interpelle, car Salta a su conserver son architecture coloniale (le "su conserver" ne prête pas au débat colonialiste hein! Je dis seulement qu'elle a conservé le patrimoine historique) à l'image de sa place centrale arborée où se trouvent son Cabildo et sa cathédrale rose, et à l'image de la plupart des batiments du centre ville en général. Salta c'est grand sur le papier, mais finalement lorsque l'on est simple touriste se promenant dans le centre on ne ne le perçoit pas vraiment. Il suffit de s'éloigner de 3 ou 4 cuadras de la place centrale pour se retrouver sur la place du couvent San Bernardo avec son ambiance village, son café, ses petits resto. Restaurants où l'on trouve des plats typiquement andins comme les tamales et humitas, sortent de papillotes où une pâte de farine de maïs peut renfermer une garniture de viande de boeuf ou de fromage, le tout enveloppé dans une feuille de maïs pour une cuisson vapeur. Testé plusieurs fois et approuvé! A côté du folklore culinaire on trouve celui musical. Le soir, non loin du centre, la rue Balcarce s'anime avec ses nombreuses peñas. Une peña est un bal de musique traditionnelle et folklorique où l'on peut danser et éventuellement manger. A Salta, cela se présente un peu comme des cabarets où l'on mange à table et où un groupe vient sur scène avec ses instruments empruntés aux cultures andine (flutes), colonialiste (guitare) ou issus de la rencontre des deux (charango). Et c'est parti pour plusieurs heures de musiques traditionnelles andines et de folklore gaucho, chacarera, zamba, carnavalito...très chouette... A Salta le folklore est aussi religieux, ça interpelle, des croix et des vierges partout, dans les taxis, au restaurant, à la banque, au cinéma, à l'aéroport...partout... Symbole d'un colonialisme réussi... Bon Salta c'est bien 2-3 jours, mais on ne va pas se mentir, c'est surtout le point de départ de ce qu'on appelle sur les nombreux blogs de voyage, les boucles nord et sud de Salta! Pour cela rien de mieux qu'une voiture non? Des excursions à la journée aller-retour sont possibles en bus via les agences, mais la voiture c'est la liberté de s'arrêter où on veut et de dormir où on veut! Les blogs parlaient de Sergio pour louer une voiture pas cher...Allo Sergio? 7 jours 200 euros? Dale! C'est parti!


Boucle nord de Salta


La boucle nord de Salta, qui n'est ni une boucle ni dans la province de Salta, est en fait la visite de la Quebrada de Humahuaca, située dans la province de Jujuy, dernière province avant la frontière bolivienne. Une quebrada est un peu comme un canyon, une vallée, formée tectoniquement. La Quebrada de Humahuaca est donc une sorte de grande vallée où sont parsemés des petits villages, dont le village éponyme (ça fait deux fois que j'utilise "éponyme" dans cet article, promis j'arrête) qui est aussi le plus grand, 12000 habitants (bon ok on est plus sur un format petite ville). Dans la Quebrada, le trajet sera souvent de la looooongue ligne droite. Un panneau?! "La Quiaca 179 km"...La Quiaca...la dernière ville à la frontière bolivienne...179km seulement...ça démange...restons focus...la Bolivie sera un prochain voyage! Les montagnes de la Quebrada en imposent. De loin tout est orange, mais de près la roche est orange, blanche, jaune, rouge, violette, verte, presque bleue et j'en passe! On ne comprend pas comment la nature à pu ériger au même endroit des monstres rocailleux avec des couleurs aussi distinctes, parfois même au sein de la même montagne avec des strates multicolores, bluffant. Les villages visités lors des 2 premiers jours dans la Quebrada sont Maimará, Tilcara, Uquia et bien sur Humahuaca. Maimará et Uquia ont des allures plus modestes. Pas de fantaisie, seule la route principale est en asphalte, les maisons sont modestes, voir très modestes pour certaines, ce qui parfois tranche singulièrement avec les paraboles présentent sur les toitures ou les smartphones dans les mains des gamins du village. Maïmará a comme petit plus son cimetière qui accroche le regard (voir photos), Uquïa est lui le point de départ pour une superbe randonnée dans le sable rouge de la Quebrada de Las Señoritas (photos). Tilcara se la joue lui plus touristique avec de nombreux petits hotels et restaurants, qui lui donnent un charme différent et en fait le point de chute tout trouvé pour les 2 premières nuits au pied des montagnes! Humahuaca, le plus gros village comme dit précédemment, est lui le point de départ pour El Hornocal, une structure montagneuse/géologique autrement appelée El Cerro de los 14 colores (mont des 14 couleurs). Depuis la place centrale, on monte alors dans un minibus et c'est parti pour 40 minutes de pistes. Ca secoue sérieux, mais surtout le corps encaisse la montée en altitude. En effet, toute la Quebrada est déjà très haute, autour de 3000m, humahuaca est à 2900m et le mirador pour El Hornocal est lui à 4350m. Certaines personnes réagissent mal à la haute altitude, d'autres non. Me concernant ca sera l'apparition d'une grosse fatigue. Arrivée à El Hornocal c'est le grand jeu (voir photos), comme souvent en Argentine... On observe cet "empilement de montagnes" colorées, improbable, difficile de décrire, les photos parlent d'elles même. Le 3ème jour dans la Quebrada de Humahuaca sera la découverte du village de Purmamarca! Gros coup de coeur! Purmamarca est un petit village encaissé, au pied du Cerro de los 7 colores (plus modeste qu'El Hornocal t'as vu!). On a alors accès a des miradors donnants des points de vue terribles sur le village. Et autour une petite randonnée aux couleurs complètement dingues. Purmamarca en tu corazón bro! Et puis, pour finir avec la boucle nord, tout de blanc vêtue, les Salinas Grandes (voir photos). Petit désert de sel de 120 km2, exploité pour le sel alimentaire et industriel. Ca en jète, crème solaire et lunette de soleil! Un sol blanc à perte de vue! Et à l'horizon, le relief rouge de la Cordillère. C'est magnifique, ca donne le sourire... Après 3 jours de visite de la Quebrada de Humahuaca, retour à Salta le temps d'une nuit, pour attaquer la boucle sud.


Boucle sud de Salta


Cette fois il s'agit vraiment d'une boucle, et qui plus est dans la province de Salta! Bien joué! Au sud de la ville de Salta donc! On attaque cette boucle par la route 33, une route magnifique coup de coeur again! Tout le long elle changera de couleur. On commence dans un relief vert, arboré. Puis le paysage commence à se durcir, la roche affleure, rouge, orange, l'altitude augmente, on constate la transition dans la végétation lorsque des cactus poussent parmis les arbres, drôle et surprenant! Dans les lits des fleuves asséchés chevaux et bovins viennent brouter. La route continue de monter en lacet, encore et encore pour enfin déboucher sur de grandes plaines. A haute altitude, la flore s'est applanie, à perte de vue de l'herbe jaune et des petits bosquets. Au loin les reliefs, toujours, et cette route toute droite qui va vers l'infini. Et là bas sur la crête qu'est ce que c'est? Ca bouge? Woooooooo un lama? Woooo jaune sur jaune, en fait y'a tout un troupeau? Arrêt sur le bas côté (il est là l'avantage de la location voiture hehe!), appareil photo autour du cou, faut se rapprocher... tranquille, doucement... Ils ont peur et accélèrent le pas...bah ouais...on est au milieu d'une plaine, la citadine rouge qui s'arrête sur le bas côté ils l'ont vu depuis longtemps... bon pas grave c'était chouette comme rencontre. En espérant en revoir de plus prêt... Moins d'un kilomètre plus loin, arrêt de nouveau, une famille, deux parents et 3 jeunes à même pas 100m! Aaaaaah! Toujours l'appareil photo autour du cou, ils se laissent approcher à une vingtaine de mètres. Les 2 parents sont aux aguets, le cou bien droit. Malgré tout ils se laissent prendre en photo. Moment suspendu, c'est génial. Quelques kilomètres plus loin, un panneau expliquera qu'il s'agit de huanacos, une espèce sauvage de lamas. En fait il existe 4 espèces de lamas (moment culture). Le lama commun et l'alpaga sont des espèces domestiques, élevées respectivement pour le transport et la laine (et la viande...malgré le caractère sacré de l'animal ici dans le nord ouest). Deux autres espèces sauvages, le vicuña et le huanaco. Le vicuña est le plus craintif, ici cette famille de huanaco était prête à prendre la pose! La route infinie continue, parmis les herbes jaunes des cactus commencent à s'élever de nouveau, on rentre ici dans le Parc National de Los Cardones. En 2-3 virages autour des reliefs le paysage change radicalement, le sol devient brun, la terre fait place à un sol rocailleux, toujours des bosquets mais surtout des cactus à perte de vue. Arrêt au niveau d'un mirador, une vue à couper le souffle...les larmes commencent à monter...y'a une énergie folle ici. Une impression d'infinie, d'immensité, la route toute droite droite qui s'enfonce à l'infini et au loin le Cerro Tintin qui domine toute la plaine. Et un vent tellement violent qui balaie tout, mais les cactus eux, parsemés à perte de vue restent droits. C'est beau...je ne sais pas pourquoi mais ce paysage a fait monter les émotions, les larmes ont coulé... Quelques heures de conduite supplémentaires amènent au village de Cachi, un petit village tout blanc, beaucoup de charme, on s'y sent bien. La route 33 a été un gros coup de coeur, une belle journée. Le lendemain, la suite de la boucle se fera par la route 40 pour gagner la ville de Cafayate. La route 40, mythique route argentine de plus de 5000 km, reliant la ville d'Ushaïa tout au sud à celle de la Quiaca tout au nord. Alors c'est la méga classe de rouler dessus! Héhé! Seulement voilà, cette portion est de la piste, pas d'asphalte, et conduire toute une journée dessus s'est révélé épuisant. Heureusement il y a les récompenses des petits villages de Molinos et Angastaco pour faire des breaks et ouvrir grand les yeux. Bien qu'épuisante, la route 40 n'en reste pas moins magnifique et offre elle aussi sont lot de paysages et surtout de petits villages/hameaux. Ces derniers surprennent, certains villages ont l'air fantômes, 4-5 maisons, certaines paraissent abandonnées ou sont délabrées, on ne voit personne et pourtant la présence de paraboles sur certains toits ou d'une voiture laissent entendre que des gens vivent ici. Parfois un ou deux gamins jouent sur le bord de la route. On imagine qu'il y a quelques années ces villages devaient être bien plus vivants, habités, mais que les populations ont peut-être gagné les villes. Le moment fort de cette journée est la Quebrada de Las Flechas (voir photos). Quelle nature torturée, c'est magnifique, lunaire. A l'approche de Cafayate tout redevient vert, de grandes estancias sur le bord de la route avec leurs vignes, le vin étant ici une partie de l'économie avec le tourisme. Le lendemain, petite bifurcation en dehord de la boucle pour aller un peu plus au sud dans la province de Tucuman. Visite de la ville Tafí del Valle dont l'énigme restera la suivante : pourquoi y'a t-il des chevaux partout? Sur le bord de la route? Sur la route? Dans le jardin des maisons?! Mais cette excursion à Tucuman était surtout pour la Cité Sacrée de Quilmes. On y découvre les ruines d'une ancienne grande cité du peuple Quilmes, habitée du 12ème siècle à 1667, jusqu'à ce que l'envahisseur espagnol dans sa mission d'exterminer tous les peuples aborigènes du territoire sud américain, a réussi à assiéger les Quilmes qui ont rendu les armes faute de pouvoir manger et boire. Après 130 ans de résistance! Pendant 130 ans, les Quilmes ont résisté aux espagnols équipés d'armes à feu! Incroyable non? Les Quilmes vaincus ont alors été déportés par les espagnols, forcés de traverser le pays à pied jusqu'à Buenos Aires. Les deux tiers sont morts pendant le trajet, le dernier tiers a été réduit en esclavage jusqu'à sa fin. Aujourd'hui, les descendants Quilmes luttent toujours pour la réhabilitation de leurs droits, de leur culture, de leur identité... La fin de la boucle sud le 4eme jour se fera entre Cafayate et Salta, avec notamment la Quebrada de Las Conchas, un décor jetant un doute sur le fait qu'on soit dans le nord argentin ou sur une route de l'Utah, surprenant.


Tolar Grande


Les boucles nord et sud de Salta sont les excursions touristiques obligatoires de la région. Mais en préparant ce voyage la lecture de certains blogs m'avait interpellé sur un lieu coupé du monde, peu touristique (pour le moment), isolé et près de la frontière chilienne à l'ouest de la province de Salta, le village de Tolar Grande. Mais impossible d'y aller sans guide, Tolar Grande est à une journée de route, enfin une journée de piste, et vraiment dans des terres reculées. Tour des agences de voyage a Salta...Tolar Grande? Non désolé trop loin. Tolar Grande? Non trop isolé... Ca s'avère compliqué...que disaient les blogs? Ah cette agence là! Ok! Arrivée dans une vieille galerie marchande d'un autre siècle...c'est quoi ce plan? Derrière un bureau une mamie aussi vieille que la galerie marchande...c'est quoi ce plan? Sur le bureau, la Vierge Marie observe...bah ouais, estamos en Salta amigo! De la paperasse qui déborde de partout...c'est quoi ce plan? Tolar Grande? Oui c'est possible, mais il faut trouver des voyageurs supplémentaires. Elle aurait déjà des personnes intéressées... elle regarde sur son cahier, annoté de partout, n'importe comment, un brouillon d'écolier...c'est quoi ce plan? On se recontacte demain pour voir... Le lendemain appel, elle tente de doubler le prix...c'est quoi ce plan? Finalement on reste sur le prix initial, c'est bon pour l'excursion, c'est parti pour Tolar Grande! La route c'est donc que de la piste, on se laisse conduire à bord du 4x4 du guide, mais ca reste fatiguant, nous sommes régulièrement à plus de 4000 mètres d'altitude (jusqu'à 4700m), le corps encaisse. La route est magnifique, des décors désertiques, nous sommes perdus au milieu de rien, les yeux sont scotchés à la fenêtre, paysaje de locos! A la fin de la journée, soudain, au milieu de rien Tolar Grande apparait. Improbable. Complètement isolé, perché à 3500m, ce petit village de 300 habitants vit de l'extraction de lithium et d'or. Le soir repas au "restaurant" qui s'apparente plutôt à un salon familial, j'adore. Il faut maintenant dormir, demain s'annonce grandiose... Si la route pour arriver là était magnifique, il ne s'agissait que d'une simple mise en bouche des environs de Tolar. A quelques pas du villages on se retrouve au milieu de montagnes suitant le sel, un peu plus loin El Arenal, une dune formée par l'érosion de la Cordillère dont les particules tractées par les vents s'accumulent ici. Et puis, el Salar d'Arizaro...le plus grand du pays...1600km2 (bonjour les 120 km2 des Salinas "Grandes"). Un salar à perte de vue, avec là aussi à l'horizon le relief de la Cordillère orange, c'est beau. Et tout au sud du salar, cette spectaculaire formation géologique qu'est le Cono de Arita. Une montagne conique quasi parfaite dont la formation reste ouverte aux débats. On est bouche bée devant cette ovni géologique (un ogni donc!), complètement dingue. Enfin, ultime curiosité autour de Tolar Grande, les Ojos del Mar, un groupe de bassins naturels au milieu d'un petit salar. Le bleu azur des bassins contraste avec le blanc du sel. Prends ça dans tes yeux gamins! Ces bassins, en plus d'être canons, se révèlent aussi d'un grand intérêt scientifique. On y trouve en effet les mêmes bactéries qu'il y a 3.5 milliards d'années ayant participé à l'oxygénation de l'atmosphère et donc à l'apparition de la vie. Promis, je ne m'y suis donc pas lavé les mains ni y aie fait pipi. Sur le voyage du retour, des dizaines de vicuñas sur le bors de la route (lamas sauvages check!)...


C'était quoi ce plan? Un joli coup de poker! Improbable au regard de la mamie ayant permis cela. Tolar Grande était une jolie conclusion de ces 2 semaines passées dans le nord ouest andin! Les 40 degrés lors du retour à Salta ne laissaient pas d'autres choix, l'étape suivante est d'aller se raffraichir les idées dans le sud de la Patagonie!


Ciao!


"Llegando está el carnaval

Quebradeño mi cholitay

Llegando está el carnaval

Quebradeño mi cholitay

Fiesta de la quebrada

Humahuaqueña para cantar

Erke, charango y bombo

Carnavalito para bailar"